Retour sur la Présentation du Livre « Dominer et Humilier  » de Monia Ben Jemia

Violences Sexuelles et Sexistes en Tunisie : Un Fléau pour dominer et humilier

La librairie Al Kitab Mutuelleville et les éditions Cérès ont récemment organisé une séance de présentation et de débat autour de l’ouvrage « Dominer et Humilier : Les Violences Sexistes et Sexuelles en Tunisie » de Monia Ben Jemia. Cet événement, qui a eu lieu le vendredi 7 juin 2024, a rassemblé un large public, désireux de mieux comprendre et de combattre les violences faites aux femmes en Tunisie.

Livre de Monia Ben Jemia, édité chez Ceres : Domineret humilier. Les violenxes sexistes et sexuelles en Tunisie

Un Livre à la Dimension Politique et Sociale

« Dominer et Humilier » n’est pas seulement un livre documentaire ; c’est aussi un acte politique. Monia Ben Jemia y met l’État face à ses responsabilités, en recensant les lacunes et les oublis en termes de moyens mis à disposition pour l’écoute et le suivi des victimes. Malgré l’existence de la loi 58, qui vise à protéger les femmes contre les violences, l’application de cette loi rencontre de nombreux obstacles.

L’ouvrage souligne qu’une femme est assassinée tous les 15 jours en Tunisie par son partenaire actuel ou passé, un chiffre terrifiant et souvent ignoré. L’autrice déconstruit les alibis patriarcaux qui tentent de justifier ces crimes par des pulsions sexuelles, affirmant que les violences dans le couple sont des agressions systémiques et non des incidents isolés.

Monia Ben Jemia précise que les violences sexuelles ne sont pas le fruit de pulsions incontrôlées : « 

On ne viole pas une femme parce qu’on a un désir, mais parce qu’on veut la dominer. Il est crucial de le dire, car la loi définit les violences sexuelles comme la soumission d’une femme à des désirs sexuels, ce qui les réduit à une sexualité illicite ou illégitime. Non, il ne s’agit pas de désir, mais de viol. »

Monia Ben Jemia

Les Lacunes du Système et les Défis à Relever

Monia Ben Jémia appelle à une réévaluation des lois existantes et à une meilleure protection des victimes. Elle met en lumière les insuffisances des structures d’écoute et de soutien, dénonçant une application souvent inefficace de la loi 58. Monia Ben Jemia a expliqué qu’il est urgent de relater les faits, de les nommer correctement et de mettre en place des mesures concrètes pour que les actes de violence soient reconnus et sanctionnés.

L’autrice plaide pour une meilleure formation des professionnels de la justice et des forces de l’ordre, ainsi que pour une sensibilisation accrue du public. Le livre précie que la violence contre les femmes est un problème systémique qui touche toutes les sphères de la société, y compris le cinéma, les médias, la politique, le sport et l’éducation.

La violence basée sur le genre: Un Fléau Répandu et Systémique

En lisant le livre « dominer et humilier: les violences sexistes et sexuelles en Tunisie », on apprend que près d’une femme sur deux en Tunisie a été victime de violence au moins une fois dans sa vie, que ce soit au sein du couple, de la famille ou dans l’espace public. Les violences sexuelles et sexistes se manifestent dans tous les domaines : cinéma, médias, politique, sport, éducation. Le groupe Facebook Ena Zeda, créé en 2019, a recensé plus de 40 000 témoignages de violences jamais dénoncées, révélant l’ampleur du problème.

L’autrice précise, comme c’est indiqué dans son livre, que les violences basées sur le genresont enracinées dans la norme patriarcale et se manifestent tant dans la sphère familiale qu’institutionnelle. Une enquête de l’UNICEF en 2019 a révélé que plus de 80 % des enfants subissent des violences au sein de leur famille. Dès l’enfance, les filles sont préparées à être victimes, on leur apprend à être prudentes, à ne pas rester seules, à faire attention à leur tenue.

Pour les violences dans le couple, elle déplore la persistance de l’idée qu’il s’agit de disputes qui ont mal tourné et qu’une réconciliation suffit à arrêter la violence. « tous les types de violences, et pas seulement les sexuelles, sont terribles car elles durent longtemps et les femmes ne portent pas plainte immédiatement, souvent par crainte sociale ou économique. Quand elles décident de parler, c’est souvent parce qu’elles sentent que le prochain coup peut être mortel, » explique Monia Ben Jémia.

L’État Face à ses Responsabilités

Malgré la loi 58, les violences continuent sous des formes diverses, notamment sur les réseaux sociaux et dans les médias. « En ne prévenant pas les violences sexuelles et sexistes, l’État participe à leur normalisation et à l’enracinement du patriarcat dans l’inconscient collectif, » affirme-t-elle. Une enquête de 2010 a révélé que 47 % des femmes ont été victimes de violences. Une autre enquête de 2022, menée avec l’Institut Arabe des Droits de l’Homme et l’association Beity, a révélé que 48 % des hommes mariés reconnaissent avoir été auteurs d’une violence physique envers leur épouse au moins une fois.

La Violence sur les femmes, un Coût Social et Économique

Monia Ben Jémia insiste également sur les violences sournoises, symboliques, qui affectent l’estime de soi et le rapport à soi-même. Elle parle aussi des violences subies par les enfants : une étude de l’UNICEF en 2019 montre que 80 % des enfants subissent des violences. Elle souligne l’importance de l’éducation pour ne pas perpétuer les stéréotypes de genre.

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Exemples Étrangers et Propositions pour lutter contre les violences sexuelles et sxistes sur les femmes

Monia Ben Jémia cite des exemples de pays comme l’Espagne et la Suisse, où des politiques efficaces de lutte contre la violence sont en place. « En Espagne, lorsqu’une femme porte plainte, on évalue le danger et on prend des mesures pour la protéger, comme l’éloignement du domicile ou la protection policière, » explique-t-elle. En Tunisie, une initiative similaire (d’évaluation du niveau de danger)a été menée par l’association Femme et Citoyenneté, mais elle n’est malheureusement pas utilisée à l’échelle nationale.

Elle souligne que le coût de la violence est bien plus élevé que celui des mesures de protection. « La violence dans le couple n’est pas une affaire privée, car elle engendre des coûts judiciaires et de santé. Les mesures de protection coûtent moins cher que le coût de la violence. Si la loi 58 n’est pas bien appliquée, ce n’est pas une question de coût, mais de volonté politique, » conclut-elle.

Une Participation Enthousiaste et Engagée

Les échanges lors de l’événement à la librairie Al Kitab ont permis de souligner l’importance de ce combat et de partager des idées et des expériences pour aller de l’avant. La séance a également été l’occasion de rappeler que, malgré les défis, des progrès sont possibles grâce à une mobilisation continue et déterminée.

Pour ceux qui n’ont pas pu assister à l’événement, le livre « Dominer et Humilier : Les Violences Sexistes et Sexuelles en Tunisie » est disponible à la vente à la librairie Al Kitab Mutuelleville et sur le site des éditions Cérès.

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