Le syndrome de la femme battue, sans coups.
Par Sonia Bahi
Ils avaient 18 ans tous les deux. Ça avait été le coup de foudre. Leurs yeux ne se sont plus quittés. Elle était exubérante, pleine de rires et de rêves, elle aimait les gens, la philosophie et son chat. Il était un peu bad boy, avait une moto et sentait bon l’aventure. L’amour leur est tombé dessus, un matin, devant le lycée.
Ils n’avaient que 18 ans et pourtant, un mois après leur rencontre, il lui a dit « tu seras ma femme ». Cela lui avait fait un peu peur cette certitude qu’il avait mais elle avait ri et répondu « on verra ».
7 ans plus tard, ils étaient mariés. Et déjà, la lumière dans ses yeux à elle n’était plus la même. Elle riait moins fort, rêvait moins grand et ne se sentait pas chez elle dans leur grande maison, une maison où même la chambre d’enfant était prête, alors qu’ils venaient juste de se marier.
Ils avaient l’air d’un couple parfait et tout le monde lui enviait ce mariage et ce mari si amoureux. Elle souriait bravement et année après année devenait un peu moins elle-même et de plus en plus sa chose.
Il contrôlait tout ce qu’elle faisait, où elle allait, combien de temps elle devait rester et l’isolait chaque jour un peu plus.
Deux enfants plus tard, la lumière dans ses yeux s’était définitivement éteinte et avec elle tout espoir de réparer ses ailes brisées.
Il n’a jamais levé la main sur elle et pourtant son âme était couverte de bleus. Elle ne pleurait pas parce que pleurer aurait été s’avouer que son mariage était un désastre. Elle se racontait des histoires de famille heureuse et unie pendant qu’il la critiquait et la dénigrait.
Il explosait de colère pour n’importe quelle raison et parfois sans raison et sa violence verbale était meurtrière. Et quand elle était à terre, couverte de mots plus coupants les uns que les autres, il la prenait dans ses bras et lui disait qu’il l’aimait.
Sans larmes, en silence, elle hurlait de désespoir.
Elle n’en parlait à personne. Elle avait honte, honte de rester, honte d’être devenue cette petite chose effrayée et sans estime.
Parfois, cela devenait insoutenable et elle prenait son courage à deux mains et essayait de partir. Mais il la ramenait toujours. Entre menaces et déclarations d’amour, elle était à nouveau prise en otage.
Elle revenait chaque fois un peu plus petite, un peu plus découragée, un peu plus humiliée, se méprisant un petit plus, essayant de se faire croire qu’elle croyait en ses promesses. Et le cycle infernal recommençait, lune de miel puis coups de machette à sa dignité et à nouveau lune de miel, puis déchirures.
Encore. Et encore. Et encore. Et encore.
Et un jour, une ligne invisible a été franchie. Même elle, ne saurait pas la définir. Un jour, quelque chose en elle s’est révolté. Quelque chose de bien plus fort que la peur du divorce, la peur pour ses enfants, la peur de l’avenir, la peur de lui.
Bien que tremblant à l’intérieur comme une feuille, elle s’est redressée de toute sa taille et a quitté la prison qu’un homme avait construite pour elle au nom d’une chose qu’il appelait amour.
Morceau par morceau, elle se reconstruit encore mais ses yeux brillent à nouveau et elle s’est remise à rêver.
On n’est pas battue que par des coups. On est battue par des mots, on est battue par le mépris. On est battue quand toute liberté individuelle est refusée. On est battue quand on nous fait croire qu’on ne vaut rien.
Mais un jour, immanquablement, on ne sait pas comment, on se souvient un peu de qui on a été, de qui on est vraiment et une force incroyable se déploie.
Et cette force nous soulève si haut, si loin que notre ancienne existence a l’air d’un minuscule grain de poussière comparée à tout ce que ce nouvel avenir promet.
Ce moment arrivera pour vous aussi. C’est une promesse même si aujourd’hui, cela parait impossible. C’est inévitable.
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Les larmes me coulent a chaque fois que je lis ce texte…
Courage a toutes.. Vous pouvez y arriver…
Je l’ai fait et même si c’est encore difficile aujourd’hui, je suis libre….