Mère morte, orphelinat, galère,…Et j’ai réussi quand même!

Par Nesrine Ayadi

 

Dès la naissance, la destinée de chacun est tracée… Y a ceux qui sont prédestinés à avoir une vie facile et d’autres une vie de souffrance. Mais si on veut on peut.
Mon père nous a jeté mes frères et moi quand ma mère est morte, j’ai grandi avec des orphelins dans un environnement sans pitié et avec ça je peux dire aujourd’hui que j’ai réussi.
J’ai bataillé fort. J’ai mené un combat de tous les jours et toutes les heures et j’ai pu me frayer mon chemin dignement et honnêtement.

Dans la vie, une nouvelle naissance est un évènement heureux. Pour ma part, c’était le début du calvaire.

Le petit être que j’étais a perdu la personne la plus chère au monde alors que je n’avais qu’un mois et quelques jours. Je n’ai pas eu la chance de connaître ma mère, de m’imprégner de son odeur et de savourer son amour et sa tendresse. Elle nous a quittées à l’âge de 24 ans en laissant 2 garçons, ma jumelle et moi même âgées d’un mois et quelques jours.

La malchance a fait qu’on est nés dans une société sans pitié, en commençant par notre famille maternelle (grand-mère et tante), superstitieuse et sans cœur. Des personnes de notre famille nous avaient rapportés qu’ils nous avaient mis par terre devant la maison le jour de l’enterrement de ma mère pour que les gens piétinent «les porte malheurs» comme ils nous appelaient.

Notre grand-mère paternelle nous a «sauvés». Malgré ses 60 ans et son manque de moyens, elle a décidé de nous prendre en charge. Elle nous a élevés et donné tout l’amour dont on avait besoin. On était très pauvres, on n’avait rien et personne ne prenait de nos nouvelles (même pas notre père qui a refait sa vie et a eu 4 autre filles), mais c’était une époque merveilleuse … la meilleure d’entre toutes.

A l’âge de 11 ans, ma vie a basculé de nouveau, ma grand-mère est morte et elle a emporté avec elle toute la tendresse et l’amour. Ma famille maternelle s’est débarrassée de nous. On s’est retrouvés du jour au lendemain dans un centre intégré de la jeunesse et l’enfance à Ain Drahem (ce qu’on appelle Atfel Bourguiba).

Le premier jour j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps. C’était un endroit triste et sans âme. Là bas il n’y a ni amour, ni tendresse… juste un froid pesant et étouffant. Je voyais des visages d’enfants que je ne connaissais pas avec des yeux remplis de peine et de tristesse! Rien qu’à leurs vêtements on devinait qu’ils étaient orphelins. Là, j’avais pris conscience de ma situation. Je me suis dit

Oh mon dieu, je suis orpheline pour de bon maintenant, il n’y aura plus ma grand-mère pour me réconforter… mais je n’avais que mes yeux pour pleurer.

Les années sont passées etj’ai appris à vivre et à être forte. J’ai vécu des situations que personne n’aimerait vivre. L’humiliation et le mauvais traitement à l’intérieur et à l’extérieur du centre étaient notre lot quotidien. Les gens se moquaient de nous, de nos vêtements et même notre situation comme si être orphelin était un choix. Pour la société on était pointé du doigt, on n’était pour eux qu’ «Atfel Bourguiba».
Au début, ça me faisait mal quand les gens m’appelaient avec dénigrement « Atfel bourguiba », où se moquaient de mes vêtements. Il nous arrivait en effet souvent de porter des sacs en plastiques avec les bottes pour avoir moins froid (il faisait un froid glacial) mais on s’habitue après, car on finit par s’habituer a tout.

J’en ai connu des histoires encore plus tristes que la mienne. Y en avait un dont le père a tué la mère devant lui, Un autre sa mère est devenue folle car violée par son père. Il était un enfant né de l’inceste. Petit à petit on a appris à se connaître et on est devenu une famille unie. On s’aimait, on riait et pleurait ensemble. nous étions mal traités au centre, on était battus pour n’importe quelle raison… mais à cela aussi on finit par s’habituer.

Je pleurais beaucoup quand je voyais des mamans venir chercher leurs enfant à la sortie de l’école. Voir l’amour d’une mère ou même ce petit geste qui est de d’apporter son cartable à son enfant me faisait de la peine car je pensais à ma mère que je n’ai pas eu la chance de la connaitre.

Ma seule échappatoire de la réalité était mes études. J’étais Nesrine qui n’avait rien mais qui brillait par ses études.

Au centre rares étaient ceux qui réussissaient. La plupart abandonnait à la 9ème année de base et quittait le centre. C’était malheureusement le cas de ma sœur jumelle et mes 2 frères. Je me suis retrouvée encore une fois seule, abandonnée de tous. C’était la pire journée de ma vie!

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Avec le temps, et grâce à mon dévouement à l’école, les enseignants et le directeur de l’école m’ont aimée, au centre on m’appréciait. J’étais la fierté, une des perles rare du centre. D’ailleurs on m’avait choisie à l’époque parmi les enfants les plus brillants du centre pour aller au palais présidentiel de Carthage pour la fête de l’Aïd il y a de cela 18 ans. J’aimais y aller et rencontrer les filles de Ben Ali. Là bas tout le monde était attentionné avec nous ce qui était très rare dans notre environnement.

J’ai rencontré beaucoup de difficultés et vécu beaucoup de choses dont je ne veux même pas me rappeler. J’ai continué, malgré tout, mes études universitaires, et j’ai grâce à cela rencontré un homme qui a participé à changer ma vie. Cet homme m’a beaucoup épaulée et aimée … Cet homme c’est mon mari actuel. Grâce à lui j’ai rencontré une autre famille formidable qui m’a accueillie comme une de leurs filles. J’ai fait mes révisions chez cette famille, et c’est le père de cette famille, qui est en fait l’oncle de mon mari, qui m’a tenu la main et joué le rôle du père à mon mariage.

La vie ne m’a pas gâtée mais j’ai réussi ce que j’ai entrepris.
J’ai eu ma maitrise en gestion économique et sociale avec la mention très bien et et j’ai un travail où je suis épanouie.
En épousant l’homme de ma vie j’ai trouvé une nouvelle famille. Ma belle-mère est très gentille et attentionnée. Et pour couronner le tout j’ai eu une petite princesse qui a comblé le vide qu’a laissé ma mère. Elle a ouvert un nouveau chapitre heureux dans ma vie.
Tous les jours je pense à ma mère…

كبرت تمنيت نعنقها تمنيت نقول كلمة ماما تمنيت كي تبدا عندي مشكل نحكيلها إلي بيا . الله غالب ربي يرحمها و ينعمها

Mais grâce à tout ce que j’ai traversé je me suis construite… par mes propres moyens. Je suis aujourd’hui une femme forte, combattante et j’ai la foi en moi.

Aujourd’hui, je suis fière de tout ce que j’ai accompli.

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View Comments (2)
  • Bravo Madame 🙂
    Je ne peux que vous féliciter pour tout ce que vous avez accompli dans la vie.. votre histoire m’a fait réfléchir, disons que depuis que je suis toute petite, je pensais énormément à wled l’SOS, wled Atfel Bourguiba w wled les orphelinats b sifa 3amma.. ba3d ma9rit votre parcours, manajam n9olék ken Bravo 🙂
    La question que je me pose, est ce que mezelt en contact m3a vos 2 frères et ta soeur jumelle ou non? IL me semble vous êtes la seule d’entre eux qui a réussi sa vie, lahkéya hedhy tnajem tba3adkom ala b3adhkom peut être.. Vous aviez dit que vous avez maintenant une nouvelle famille.. Pourquoi oubliez vous votre « vrai » famille? Celle qui a vécu le même sort que vous, celle qui a abandonné la vie ( eli enti tu t’es accroché à elle), fi joret eli 3achouh peut être… enti kont assez courageuse et forte, w najemt tched fi 9raytek w twali la femme parfaite (à mon avis) eli walit tawa 🙂 ama houma… Houma manej7ouch fi 7yéthom, w votre passé mazel peut être m2ather féhom, ki yrawek njaht, yaferhoulék ama zeda ye7znou ala rwe7hom, donc mateb3edch aléhom w mat5alich ta nouvelle famille tnasik féhom.. Houma yst7a9ou l hob akther men ay 3bed, houma yest7a9ou enhom yet7abbou, ba3d el korh wedholm eli 3achouh fi 7yéthom, w surtout yest7a9ou l hob, 5ater makenouch 9weyin kifék w manajmouch yenjhou kifek 🙂
    Bonne continuation 🙂

  • Je suis scotchée…que dire face à ce texte et à cette histoire? vous êtes une vraie héroïne, une fierté pour votre fille et pour toutes les femmes, je ne sais que dire…lire votre histoire m’a fait sentir plus de fierté que de peine, j’ai de la peine pour ceux qui ne connaissent pas le vrai sens de la vie, mais vous, tbarkalah alik, vous êtes maitresse de votre vie, vous avez saisi l’opportunité de la comprendre à temps,et avec quel courage!..j’admire cet acharnement à combattre le malheur, et de défier le destin..Votre témoignage sur ces centres est poignardant..Je vous remercie d’avoir partagé votre success story, vous êtes exceptionnelle.

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