« Ragouj » à Dougga : Un Spectacle Où la Folie Devient Magie !
(Photo de couverture Rafik Bouderbala)
Le Théâtre antique de Dougga a vibré ce mardi 8 juillet pendant deux heures et demie au rythme de « Ragouj », le spectacle événementiel d’Abdelhamid Bouchnak. Le public, conquis dès les premières minutes, a été emporté dans un tourbillon de chants, danse, théâtre et musique. C’était une expérience où des artistes de talents, accomplis dans leur art, ont donné le meilleur d’eux-mêmes.
L’Amour du Théâtre à l’Honneur
La prouesse d’Abdelhamid Bouchnak est d’avoir su réunir un très grand nombre d’acteurs issus du monde du théâtre. L’amour de la scène est palpable ! Mais attention, si vous venez chercher le fil conducteur exact du feuilleton, vous pourriez être surpris. Le spectacle est un mélange des deux parties, sans ordre chronologique strict. On y retrouve des bouts d’histoires, que l’on comprend parce qu’on les connaît déjà, ou simplement parce que, finalement, ce n’est pas le plus important.
On est là, scotché, parce qu’on veut retrouver les émotions. Bouchnak l’assume parfaitement : pour lui, c’est la beauté artistique qui prime. D’ailleurs, Mehdi Zekri résumait si bien sur Facebook : « Pour moi Abdelhamid Bouchnak est un vrai leader… ce n’est pas juste un réalisateur. »
L’Univers Musical : Le Cœur Battant de « Ragouj »
Quand on parle de « Ragouj », on pense immédiatement à sa musique. Il y a un univers musical unique, créé et inventé par le génial Hamza Bouchnak. Hamza était d’ailleurs sur scène, jouant avec une concentration impressionnante, suivant des yeux le chef d’orchestre tout en gardant une oreille attentive à ce qui se passait autour de lui. C’est un monde où tous les paramètres sont mélangés, un univers où la folie se mêle à la poésie. Un monde, aussi fou soit-il, qui nous parle et nous ressemble étrangement. Loin d’être féérique, il est pourtant coloré et joyeux, malgré tout ce qu’il peut raconter.
C’est un monde inventé par un « fou » – et oui, il faut le dire, Abdelhamid Bouchnak a ce grain de folie artistique qui lui permet d’imaginer grand et de réaliser des œuvres magnifiques (ou « joliment effrayantes », mais restons sur « Ragouj » pour le moment!).
Un Conte Moderne, Malgré Tout
À travers « Ragouj », on retrouve les éléments des contes de fées : le gentil, le méchant, le rêve, l’imaginaire… En le regardant avec des yeux d’enfant, on voit des histoires d’amour qui finissent bien et le méchant qui se repentit ou est puni. C’est le feuilleton qui prend vie sur scène, une pièce musicale qui parle du feuilleton. Si vous avez adoré le feuilleton, alors le spectacle est fait pour vous ! Vous allez ressentir chaque émotion très vite, car vous les avez déjà vécues. Voir Fatma Saidane passer artistiquement « vers l’au-delà » était un moment d’une rare intensité émotionnelle.
Si vous n’avez jamais vu le feuilleton, ne vous inquiétez pas ! Vous ne suivrez peut-être pas tout le fil conducteur, mais vous découvrirez un univers unique où se mélangent harmonieusement acteurs, chanteurs, danseurs et musiciens. L’art de la scène et du spectacle y règne en maître, et tout le monde joue ce jeu de la folie avec brio.
Des Performances et des Émotions Fortes
Le public a réservé un accueil spécial à la magnifique Fatma Saidane, dont la présence sur scène est toujours un cadeau. On a aussi savouré les répliques de Saber Oueslati, drôle dans le tragi-comique, dont les phrases sont devenues de véritables « phrases nationales » que le public attendait avec impatience. C’est ce monde inventé par Bouchnak que nous adoptons avec tant de plaisir.
Oui, des acteurs étaient absents, comme Hela Ayed ou Amira Cebli, et des parties du puzzle « ragoujien » non évoquées. Car cela reste avant tout un spectacle théâtral, musical et dansant… Une comédie musicale, dirait certains, puisqu’il y a une histoire racontée à travers dialogues, chansons et danses, de manière fluide et artistique. Oui, mais non, c’est un spectacle Ragoujien !
La Mise en Scène : Un Chef-d’Œuvre à Part Entière
Photos Rafik Bouderbala (2ème ligne)et Yosra Chikhaoui(Zarda)
La mise en scène de « Ragouj » mérite à elle seule un article entier ! C’était un décor pur « Ragouj », un véritable foisonnement de couleurs et d’objets qui créaient une ambiance unique. Des fleurs (artificielles) éclatantes, une table carrée, des vases, et même des fils suspendus aux grosses poutres du théâtre, tout contribuait à ce joyeux désordre si caractéristique de l’univers de Bouchnak. Il aurait peut-être fallu arriver bien en avance juste pour contempler et s’imprégner de chaque détail de ce « beau charabia à la Ragouj ». Entre l’apparition inattendue d’un cheval et la reproduction du poste de police, chaque élément ajoutait à cette folie créative.
Et l’âme de Kafon en plus!
Dès le début du spectacle, Kafon planait sur la scène, sans qu’il ne soit cité ou évoqué explicitement. Le public, lui, attendait… On le sait, Bouchnak est un artiste fidèle, il aime ses partenaires (acteurs, chanteurs, maquilleurs…). Et l’hommage, lorsqu’il est arrivé, a été différent, inoubliable : Kafon ressuscité grâce à l’intelligence artificielle ! Dans ce décor chargé émotionnellement, avec une lune projetée au-dessus de l’écran, on avait l’impression qu’il chantait depuis l’au-delà. Un moment puissant qui a suscité une émotion palpable, non seulement dans le public, mais aussi chez les acteurs présents sur scène.
Un Monde où la Justice Prime et le Monde Réel s’invite
Les Bouchnak ont inventé un monde où la justice prime et où les codes peuvent être réinventés. Ils ont rendu hommage aux femmes ouvrières qui travaillent dans l’agriculture et qui donnent de leur vie pour la terre. On a même vu Bouchnak relancer la mode des foulards traditionnels portés par ces ouvrières – ces « foulards » fleuris et colorés –, avec la vente de produits dérivés issus du monde de « Ragouj ». Une belle manière de lier l’art à la réalité sociale.
Comme l’a si bien exprimé Zeineb, une spectatrice visiblement conquise : « On a beau raconter le spectacle ‘Ragouj’ à Dougga, il faut le vivre. C’est une expérience qui nous transporte et nous marque. ‘Ragouj’ est un moment suspendu, hors du temps. »
Le Cœur du Spectacle : L’Émotion Ressentie
Après la représentation, j’ai eu l’occasion de demander à Abdelhamid Bouchnak ce qu’il pensait du spectacle. Sa réponse fut simple et directe : « Et toi ? » J’ai avoué ne pas être neutre, subitement submergée par l’émotion. Et là, il m’a dit : « Mais pourquoi veux-tu être neutre ? Décris ce que tu ressens, laisse-toi aller, il y a des couleurs, de la musique… ce qui m’intéresse, c’est ce que toi tu as ressenti. »
Et il a tellement raison, n’est-ce pas le plus important ? Ce que l’on ressent, cette connexion intime avec l’œuvre, ces émotions qui nous traversent. C’est précisément cette expérience personnelle qui fait la richesse de « Ragouj ».
Ragouj est également programmé le 11 juillet au festival international de Hammamet
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