Je t’ai aimé pour que tu tues tous mes dragons
Par Salwa Khiari
Quand j’ai divorcé il y a 2 ans, j’étais meurtrie, couverte de bleus à l’âme, assoiffée d’amour. Cela faisait longtemps qu’il n’y avait plus d’amour dans mon mariage, j’étais en manque. J’ai décidé de tomber amoureuse comme on décide de se jeter du haut d’un pont, par désespoir.
C’est dangereux de tomber amoureux quand on est désespéré. C’est dangereux pour soi parce qu’on est à fleur de peau et que la moindre égratignure prend des allures de plaie béante et c’est aussi horrible pour l’autre à qui on fait porter le poids d’attentes impossibles.
Donc j’ai choisi ce pauvre gars, à qui j’ai donné armure et cheval blanc pour qu’il soit mon héros et répare tout ce qui avait été brisé en moi. Je suis une jolie fille, intéressante et drôle. Donc faire tomber le gars amoureux n’a pas été compliqué. Il était convaincu d’avoir décroché le gros lot. Sauf qu’au fil des semaines et des mois, mon joli costume de fille libre et bien dans ses baskets a commencé à craquer et la femme rejetée, mal aimée, trahie s’est mise à prendre la parole de plus en plus. Et ce n’était pas joli. Elle doutait. Elle accusait. Elle pleurait. Elle s’accrochait. Elle avait des réactions démesurées. Elle voulait être rassurée. Encore et encore. Et rien ne la rassurait.
Le gars fait malgré lui chevalier a fini par jeter l’éponge. Il m’a rendu cape et épée et m’a dit que j’étais trop intense. Je n’étais pas trop intense. J’étais seulement mortellement blessée et je croyais que si j’arrivais à me faire aimer, j’arrêterais de saigner. Sauf que bien sûr, non seulement ça n’a pas marché mais j’ai saigné encore plus après son départ. Et c’est ce qui m’est arrivé de mieux. Parce que je me suis enfin arrêtée pour voir les choses en face. Pour voir à quel point j’étais en morceaux. Je me suis autorisée à m’écrouler. Je n’avais pas le choix de toute façon. Je ne pouvais plus faire semblant.
Cela a été 2 mois terribles où je ne sortais pratiquement pas de ma chambre, 2 mois pendant lesquels respirer a été la chose la plus difficile au monde. J’ai vraiment pris le temps de faire mon deuil, d’être triste de toutes mes forces. Puis j’ai été de moins en moins triste. L’envie de sortir est revenue. La vie a repris ses droits.
Aujourd’hui, j’ai un quelqu’un dans ma vie. Ce n’est pas un amoureux et je ne veux pas le définir. On s’aime bien. On adore passer du temps ensemble. On rit beaucoup. On ne parle pas d’avenir. Et c’est très bien comme ça. On vit le maintenant, le tout de suite et ce qu’on vit est très agréable. Il n’y a pas de poids, pas de pression. C’est une relation légère et joyeuse. Je ne sais pas si j’aurai besoin de plus un jour mais pour le moment, c’est tout ce qu’il faut à mon bonheur.
Et au gars à qui j’ai donné le rôle de prince pour qu’il tue tous mes dragons, je demande pardon. Ce n’était pas son job mais le mien. Je ne veux pas qu’il croie qu’il n’était pas à la hauteur. C’était juste une tâche impossible. Je veux aussi qu’il sache que je l’aimerai toujours.