Dans “Looking for my Mother”, Anis Lassoued filme la quête bouleversante d’un enfant à la recherche de son identité
Il y a des films qui racontent une histoire. Et puis il y en a d’autres qui vous regardent, silencieusement, et vous obligent à ressentir. “Looking for my Mother” d’Anis Lassoued fait partie de ceux-là.
Derrière la caméra, le réalisateur tunisien suit depuis sur des années Moez, un garçon rencontré à l’âge de 11 ans, orphelin et habité par une absence : celle d’une mère qu’il n’a jamais connue.
Le manque comme point de départ
Je fais souvent le même cauchemar… Je vois une femme au visage flou.
C’est ainsi que Moez décrit son ressenti. Tout est là, dans cette image : un flou, un vide, une douleur qui ne s’efface pas. L’enfant devenu adolescent ne cherche pas seulement une personne : il cherche un visage, un repère, une histoire qui lui appartient. Ses amis orphelins partagent la même tristesse de vivre dans un orphelin, mais eux ont déjà rencontré leurs mères
Dans son regard, on lit à la fois la fragilité et la dignité de ceux qui ont appris à se construire seuls.
Et c’est là toute la force du film : il ne parle pas de la misère ou du manque, mais de la résilience, cette capacité à se tenir debout malgré les failles.
L’art comme langage de survie
Pour ne pas se perdre, Moez choisit la musique. Aux côtés de son ami Haroun, il compose, chante, cherche des sons pour dire ce que les mots ne suffisent plus à exprimer.
Leur rêve ? Produire un clip, trouver un sponsor, faire entendre leur voix.
Parce que, finalement, le plus beau cri d’amour, c’est celui qu’on transforme en art.
Moez fait aussi du théâtre, et cela lui permet de se sentir mieux.
Darna : un refuge qui reconstruit
Le film rend aussi hommage à Darna, cette association qui accueille et accompagne les enfants sans soutien familial.
Darna n’est pas seulement un foyer : c’est un espace de reconstruction, un lieu où l’on réapprend à avoir confiance, à rêver, à croire en soi.
Grâce à des ateliers gratuits proposés notamment par Enda, Moez découvre que sa voix peut porter plus loin que sa douleur… Qu’il est possible d’avancer et de construire un avenir, tout en cultivant des amitiés solides.
Un cinéma de l’empathie
Le réalisateur Anis Lassoued a su non seulement filmer, mais accompagner une partie du chemin de Moez. La caméra est là, comme témoin, sans dénaturer les propos ou l’attitude. Loin des clichés, le réalisateur a mis en avant un chemin d’un adolescent qui résiste, qui doute, qui invente.
Son regard, ne juge pas. Il observe, accompagne, et laisse la lumière entrer dans les failles.
La productrice Chema Ben Chaabane résume avec justesse :
« Ce film a une place particulière. Le courage de Moez, l’empathie qu’il inspire, tout cela nous pousse à nous interroger sur notre propre rapport à la différence. »
Et c’est sans doute là que réside la puissance du cinéma de Lassoued : il ne cherche pas la perfection, mais la vérité des émotions.
Ce n’est pas un film sur l’orphelinat, mais sur la quête de soi.
Pas une histoire de douleur, mais un chemin de construction.
Et quand Moez, dans un sourire timide, remercie ceux qui ont “été là dans sa vie”, on comprend que le véritable miracle du film, c’est cette présence : la rencontre entre un regard, une caméra et une vie qui refuse de se taire.
Un miroir de nous-mêmes
Regarder “Looking for my Mother”, c’est aussi se demander :
comment réagissons-nous face à la différence ?
Savons-nous encore écouter la douleur de l’autre sans la juger ?
Ce documentaire n’offre pas de réponses, mais nous amène à faire preuve d’empathie.
Une fillette de huit ans qui a assisté à la projection a demandé à Moez ce qu’il ressentait vis-à-vis de la femme qui s’est occupée de lui à l’orphelinat… ce film est une belle leçon sur la différence, les chemins de vie et la résilience.
À retenir
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Titre original : Looking for my Mother
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Réalisation : Anis Lassoued
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Production : Lumière Films & Aljazeera Documentary
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Durée : 65 minutes
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Distinctions : Prix du jury – Festival international du film de Mascate 2024
- Association darna